La visite du Tsar de Russie,


Madeleine Mulot Durivage, ses parents, Léon, François, Nicolas Mulot Durivage (1850-1907), capitaine de frégate et Gabrielle, Marie Tiphaigne (1855-1924), sa grand-mère Palmyre Pennier et sa sœur Jeanne (1880-1969) résident au 26, rue Amiral-Courbet à Cherbourg.


La famille Mulot est connue à Granville bien avant 1650. Au moment où Madeleine écrit son journal, elle a 13 ans.

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« mardi 28 avril 1896

À bord du bateau russe le « Vladimir Monomach »

Lundi, les Russes ont prié le préfet d’inviter la Marine, l’Armée à leur bal qui devait avoir lieu à quatre heures à bord du « Vladimir Monomach ».

Nous en étions ; à quatre heures mademoiselle Collet, notre voisine, bonne maman, maman, Jeanne et moi nous étions à attendre monsieur Noël(1) et sa famille au béton (2). Étant arrivé en même temps que le canot, il nous a fait embarquer et nous partîmes.

J’ai oublié de dire que le temps était douteux et que quelques gouttes de pluie tombaient ; mais heureusement pour nous la mer était calme. J’étais avec Geneviève Marion qui a neuf ans et que j’ai connue à la plage.

Un quart d’heure après nous accostions au navire. Au bas de l’escalier d’honneur était un officier russe, au pont en était un autre. Ils nous ont tendu la main pour monter au haut de l’escalier les cinq à six marches. Un officier nous offrait à chacune un petit bouquet de fleurs et l’on nous conduisit au vestiaire.

Papa n’était pas là car il n’avait pu venir. Maman et bonne maman étant allées rejoindre leurs connaissances, un officier russe est venu demander à Jeanne une valse. Je suis donc restée seule avec Geneviève Marion et le petit Émile Postel (3). Nous sommes montés sur le pont qui était garni de tentures et de drapeaux russes et français ainsi que de belles plantes vertes.

Puis je les ai quittés pour voir le carré des officiers supérieurs qui était décoré magnifiquement de grosses pivoines, d’orchidées, de roses, etc. J’y ai rencontré maman et bonne maman avec un officier français qui nous a fait passer par un couloir afin de nous montrer une chambre d’officier russe. Elle était très élégante : un sofa avec des coussins de dentelles, un petit store jaune à raies roses, des tapis magnifiques, une bibliothèque et un secrétaire en acajou, une lanterne japonaise, le tout éclairé par des globes électriques avec de ravissants abat-jour. Au dessus du sofa une photo de femme très distinguée avec des plumes de paon autour disposées en forme de lyre ; partout de très belles draperies qui offraient un contraste charmant.

Nous sommes allées au carré des officiers supérieurs. L’on nous a montré une chose vraiment intéressante. L’Empereur, autrefois, avait installé une balançoire dans le carré et un jour avait écrit son nom au plafond avec un crayon bleu. Les Russes ont entouré son écriture d’un petit cadre. Ils vénèrent beaucoup leur empereur et l’impératrice. Partout sont leurs portraits pour lesquels ils ont beaucoup de respect.

Le carré était rempli de fleurs. Il y avait plusieurs tables accaparées par la foule. J’ai été ensuite conduite au buffet. La préfète et ses deux filles sont venues saluer maman et je suis retournée sur le pont avec Geneviève Marion et Émile Postel, nous avons regardé les jeunes filles danser. Je suis allée seule au carré voir si maman y était et j’ai rencontré un officier russe qui m’a donné une tape amicale sur la joue.

Comme je cherchais Geneviève, elle est venue me trouver me disant que le commandant du Général Amiral voulait me parler ; très étonnée, je monte et vois ce commandant qui m’a parlé anglais. Il a été très aimable et m’a conduit avec Geneviève dans la cabine d’un officier où était un superbe kakatoès blanc avec une huppe rose sur la tête. Après avoir caressé l’oiseau, le commandant m’a mené au carré où il m’a demandé si je ne désirais rien. Je l’ai remercié et il nous a fait descendre dans la batterie où nous avons vu les icônes, il parait que le pope est à terre. Nous sommes remontés et le commandant nous a conduit sur le balcon où nous avons vu madame Testard dont le mari est grand ami de papa. Elle a deux filles et un fils, l’aînée s’appelle Marie-Louise et a mon âge, la seconde a huit ans et s’appelle Alice, son fils Jean a quinze ans.

Le commandant m’a offert une glace et je me suis vue forcée d’accepter. Mais malheureusement, le temps passait et il allait être l’heure de remonter sur le pont, l’aimable commandant nous y a conduites et j’y ai retrouvé maman et Jeanne qui dansait avec un cadet de la Marine russe habillé en matelot. J’ai été très étonnée. Nous sommes allés ensuite chercher nos vêtements dans la chambre du commandant. Le danseur de Jeanne lui a donné un magnifique bouquet tout blanc. En sortant je trouve un jeune officier russe qui m’enlève avec mon manteau et me fait danser. Ensuite il va trouver Jeanne et lui demande encore une valse, maman répond que le canot nous attend.

En partant il nous donne des poignées de main. Arrivé devant madame Postel, il lui baise la main, il en fait autant à madame Marion et à maman. Arrivé devant bonne maman, il écarte le gant et fait comme à ces dames ensuite il nous reconduit. Je crois que tous les officiers étaient un peu gais.  Nous entrons dans le canot et nous disons à Émile Postel de crier : « Vive la Russie ! » Ce qu’il fait aussitôt. L’officier répond par « Vive la France !» et apercevant un canot russe avec dix huit rameurs il leur fait signe et les marins se lèvent en criant : « Hourrah pour la France ! » Nous répondons en criant : « Vive la Russie ! »

Je n’oublierai jamais cette fête vraiment magnifique. »

1) officier de marine demeurant place Napoléon
2) quai d’embarquement pour la visite des navires sur rade
3) Émile Postel : l’armateur et fondateur de la Chambre de commerce né en 1889 ?

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Séjour en France du tsar Nicolas II et de la tsarine Alexandra

« dimanche 4 octobre 1896

Arrivée à Cherbourg du président Félix Faure

J’ai été bien paresseuse car nous sommes à Cherbourg cet après-midi et je n’ai pas écrit mon journal depuis un long mois. L’empereur de Russie arrive demain et le président ce soir. Nous avons eu la visite d’un de nos cousins du Havre, il est venu avec sa fille qui a trois mois de moins que moi. Il nous ont attendu à la gare. Il pleuvait à torrents et nous sommes arrivés une heure avant le président de la République.

Comme on doit le penser il y avait foule ! Devant la gare il y avait un monolithe en bois peint en brun avec l’inscription à Nicolas II empereur de Russie. Ce n’était pas magnifique mais cela faisait de l’effet c’était le principal. A la sortie de la gare, impossible de passer, les gendarmes à cheval barraient la route ; enfin nous avons pris les petites rues derrière le quai et nous sommes arrivés place Divette. Nous nous sommes dépêchées d’aller à la maison. Nous nous sommes débarrassés de nos bagages et nous sommes allés rue de l’Abbaye voir le président aller à la Préfecture. Il faisait nuit car l’on avait rien allumé ; c’était bien triste. Nous avons vu beaucoup de landaus puis nous avons aperçu F. Faure car à ce moment l’on a tiré un feu de Bengale. Nous sommes rentrées. Ma cousine Mathilde nous a fait bien rire. Après le dîner nous étions très fatiguées et nous avons été nous coucher. »

Le président Félix Faure avait pensé pour la circonstance se faire confectionner un habit de satin bleu orné de broderies d’or. Mais, sur le conseil de ses ministres, il s’est contenté d’un classique frac noir plus conforme à l’austérité démocratique. (source de ce texte non retrouvée).

« lundi 5 octobre 1896

C’est aujourd’hui que le tsar arrive.

Nous avons fait du tapage et nous sommes allées nous promener avec mon cousin. Ce soir il y a un feu d’artifice place d’Armes. Nous irons chez une amie de maman, Madame Leclezio. Tous les 14 juillet nous y allons passer la soirée. Il y a beaucoup de monde et nous nous amusons beaucoup. Madame Leclezio a une petite fille nommée Nelly qui a neuf ans et est très drôle. Elle a deux frères plus grands qu’elle.

Cet après-midi un colonel, ami de papa, nous a invitées à aller au fort du Hommet, de là nous verrons très bien l’arrivée de l’escadre. Nous sommes rentrées pour déjeuner et nous nous sommes habillées car il fallait être à 2 heures au fort.

Nous sommes entrées et comme il y avait des bancs nous nous sommes assises. Mon cousin avait apporté son appareil à photo. Bientôt nous avons aperçu des bateaux poindrent à l’horizon, puis peu après nous avons distingué « l’Etoile Polaire » qui portait la famille impériale. Le « Standard » le suivait ainsi que le « Hoche », le « Bouvines », le « Chasseloup-Laubat », le « Charles Martel », etc.

L’« Étoile Polaire » est entrée dans le port aux cris des « Hourra ! Vive l’Empereur ! ». Il faisait bien froid, Mathilde et moi nous avions envie de quitter le port. Mais nous voulions voir la revue navale et nous sommes restées.

Les chapeaux s’en allaient à la mer et nageaient sur l’eau, c’était très amusant pour nous mais pas pour ceux qui les perdaient. Nous avons vu l’« Élan » qui conduisait le tzar et la tzarine voir l’escadre. J’ai aperçu la tzarine sur le pont mais je n’ai pas bien distingué ses traits. Pendant que le tzar passait la revue des navires, papa est venu nous chercher et nous a conduits dans l’arsenal sur le quai juste en face de l’ « Etoile Polaire » ; de là nous pouvions voir tout ce qui se passait à bord et dans le hall. L’on avait fait un espèce de couloir pour que la famille impériale puisse passer dans le hall. Nous avons vu arriver le canot portant l’empereur et l’impératrice. Nous nous sommes placées devant l’escalier d’honneur et le canot a accosté à quelques mètres de nous ; la musique s’est mise à jouer et la tzarine a monté la première l’escalier suivie d’une de ses dames d’honneur ; elle est grande mais avait l’air bien fatiguée. Il paraît qu’elle avait eu le mal de mer.

Elle avait une robe beige et rose, un collet beige et une capote rose, elle n’est pas laide et ce jour là elle était un peu pâle ce qui lui seyait fort bien du reste. Le tzar est monté ensuite, il est petit et a la barbe et les cheveux bruns.

Il a fait faire la prière aux matelots, c’était très amusant car ils parlaient drôlement et l’on ne comprenait rien. La musique a joué l’hymne russe et j’avais envie de chanter : « Boje, tsaria khrani… » Nous avons vu la tzarine s’étendre sur un sofa et un chambellan lui apporter une tasse sur un plateau. Le tzar a ôté ses gants et est descendu embrasser sa fille. Il a dit à une dame de compagnie de tenir le bébé contre la fenêtre. La petite Olga a ri tout d’abord, le tzar l’a prise dans ses bras et l’a faite sauter et elle nous a envoyé des baisers ; elle n’a que onze mois et elle était très gentille. Elle avait une robe de batiste blanche brodée et une grande ceinture de moire rose. Les cheveux formaient un petit toupet sur le sommet de sa tête. Les officiers lui ont fait le salut militaire. Il paraît qu’elle a salué le drapeau français. Le tsar nous a salué et est remonté près de l’impératrice (j’ai oublié de dire que nous étions avec les officiers).

Les souverains ont ensuite quitté l’« Étoile Polaire » et sont passés dans le hall avec Félix Faure. Nous avons regardé à travers les tentures et nous les avons vu passer à deux pas de nous. Le président est grand, il est tout blanc, il était entre le tsar et la tsarine ; j’ai vu le pope de l’« Étoile Polaire », c’est très drôle, ils ont les cheveux et la barbe très longue, ils sont habillés en gentleman. Les chambellans ont des costumes rouges chamarrés d’or et ils ont une grande clé d’or pendue dans le dos.

Nous avons vu le train impérial, il est très beau et a l’air confortable. Le train présidentiel est plus beau mais moins confortable. Dans le salon du train impérial, nous avons vu le cadeau que Félix Faure a fait à la tsarine : c’est une magnifique corbeille garnie de colombes, elles sont si bien réussies qu’on les dirait prêtes à s’envoler. La corbeilles était remplie d’orchidées mauves et rose et un grand ruban bleu ornait l’anse qui était terminée par un gigantesque nœud.

Nous sommes allées voir le hall, le salon était drapé de tentures de soie jaune. Au milieu on voyait une grande colonne de fleurs et dans chaque cœur de fleur il y avait un globe électrique. Partout de la verdure, des fleurs, des tapis qui donnaient un air luxueux et confortable au hall. De place en place des armes formaient un faisceau et tout autour des lampes électriques.

Le prince Orloff a passé à côté de nous accompagné de deux chambellans ; il riait et causait ; il avait jeté sur son dos un grand manteau gris. C’est un homme d’une taille superbe, d’une force étonnante. Il paraît qu’il n’a que vingt-sept ans ; il avait un magnifique casque surmonté d’un aigle (cela doit être bien lourd à porter). La salle à manger était magnifiquement éclairée par la lumière électrique ; en passant devant le train présidentiel, l’amiral Salendrouze de Larmornaix en est descendu et est venu nous dire bonjour.

Nous sommes revenus à la maison. Devant la division des équipages de la flotte, on avait dressé un arc de triomphe qui représentait un beffroi, sur la tour du beffroi, l’on avait mis deux cloches. Nous nous sommes amusées en rentrant et nous avons dîné. Après le dîner nous sommes allées nous habiller pour aller place d’armes au feu d’artifice ; nous devions laisser sur la place mon cousin Georges (le père de Mathilde).

Nous avons sonné chez Madame Leclézio et nous sommes entrées avec Mathilde que j’ai présentée au petites Testard ; papa, maman et bonne maman sont allés au salon et Nelly nous a fait monter à sa chambre. Nous avons joué des charades et des pièces, je me suis déguisée en bonne d’enfants et au milieu de la pièce nous avons entendu le feu d’artifice qui commençait.

Nous avons couru aux fenêtres, moi avec mon bonnet. Tout d’abord nous avons vu des fusées qui retombaient en gerbes d’étoiles bleues, rouges et vertes ; les pétards qui éclataient tout d’un coup, puis une pièces qui représentait trois spirales de feu ; une autre pièce était une fontaine. La foule sur la place criait : « Oh ! bravo ! Vive le tzar ! » À la fin il y a eu un bouquet magnifique, c’étaient une immense gerbe de toutes couleurs, puis tout s’est éteint ; nous avons pris ensuite le thé et nous sommes parties à minuit ; nous avons retrouvé mon cousin Georges sur la place, il nous a fait bien rire, il tenait à la main une lanterne vénitienne allumée qui était tombée du kiosque. J’ai oublié de dire que la place et le kiosque étaient illuminés de ces lanternes.

Dans notre rue, il a allumé une espèce de petite lanterne en fer avec les images du tzar et de la tzarine. Il l’a ensuite donné à Jeanne et a promis à Mathilde et à moi de nous donner les pareilles. Nous nous sommes couchées car nous étions bien fatiguées.

mardi 6 octobre 1896

Nous sommes sorties toutes les trois ce matin avec le cousin Georges, il faisait beaucoup de vent mais il voulait photographier l’église de la Trinité et nous avons été acheter les petites lanternes. Nous sommes rentrées à la maison pour déjeuner et il nous a photographiées dans le jardin.

Madame Puech (la préfète) a invité papa, maman, le cousin Georges et Jeanne à un bal donné par elle au hall vitré. Ils y sont allés et je suis restée avec bonne maman et Mathilde ; nous sommes sorties et revenues à cinq heures.

Papa, maman, Georges et Jeanne sont rentrés, nous nous sommes amusés à installer le guignol et à apprendre des pièces que nous n’avons pas joués et la soirée s’est passée vite. Demain, le maire donne une soirée dans ses serres et nous irons. Je raconterai cette fête dans le journal suivant.

mercredi 7 octobre 1896

Fêtes dans le jardin et les serres de Monsieur Liais, maire de Cherbourg

Ce matin Jeanne est sortie avec le cousin Georges ; Mathilde et moi sommes restées à jouer à la maison ; nous avons lu et surtout fait du tapage.

Après le déjeuner bonne maman, papa, maman, le cousin Georges et Jeanne sont allés visiter le « Standard » avec Mlle Collet. Mathilde était fatiguée et je suis restée avec elle. Elle a dormi et je suis allée voir les petites Auvert. Madame Auvert est une amie de maman, son mari est pour le moment en Chine, elle a une petite fille aînée qui est l’inséparable de Jeanne. Elle s’appelle Madeleine et vient souvent à la maison, elle a deux frères, l’aîné s’appelle Georges et a quinze ans, le second Jean a dix ans et deux petites sœurs. Jeanne a huit ans et Suzanne six ans et demi ; elles sont très gentilles et je les aime beaucoup. Nous avons joué au croquet de salon.

Mathilde est venue nous rejoindre, nous nous sommes amusées et l’on est venu nous chercher, la famille était de retour et Monsieur d’Annoville de Hauteville devait donner à Jeanne sa première leçon de mandoline ; car j’ai oublié de dire qu’elle avait grand envie et que le cousin Georges lui en a donné une.

Nous avons dîné de bonne heure et nous nous sommes habillées. Jeanne en blanc et rose, Mathilde en blanc et moi en soie crevette. Mademoiselle Collet avait une voiture et Mathilde et moi sommes allées avec elle. Nous sommes arrivés en même temps que les Russes et l’orchestre jouait.

Nous sommes montées dans les salons dire bonjour à monsieur Liais, nous sommes descendues ensuite dans les serres qui sont très belles ; le jardin était illuminé. Les serres sont remplies de beaux arbustes, dans la première on voit des bananiers gigantesques. Les serres sont très hautes, il y en a six, l’on voyait de beaux orangers chargés de fruits. Il y a aussi les serres chaudes où l’on met les plantes délicates.

Nous sommes allées ensuite près de l’orchestre et le cousin Georges m’a conduite au buffet. Mathilde avait perdu un petit bracelet en or mais nous l’avons retrouvé.

Le commandant du « Standard » qui avait vu maman l’après-midi est venu lui parler et a été très aimable pour moi.

A onze heure Georges nous a reconduites à la maison et bonne maman, papa et maman sont restés, nous nous sommes dit bonsoir, nous dormions tous les trois lorsque maman est rentrée car nous étions bien fatiguées. »

jeudi 8 octobre 1896

Visite du « Standard »

Ce matin après le petit déjeuner, nous sommes sorties. Le commandant du « Standard » nous avait invités à venir à bord l’après-midi. Nous sommes rentrées un peu avant le déjeuner. Après le déjeuner, nous avons été dans le jardin et le cousin Georges nous a photographiées toutes les trois.

Puis nous sommes allées dans le port où la chaloupe nous attendait. Mathilde a préféré rester avec bonne maman qui n’y allait pas. Nous sommes montés dans l’embarcation avec une autre dame, amie de maman. Nous devions remorquer une baleinière, le cousin Georges est monté dedans car il devait aller sous la digue .

Nous avons accosté à l’escalier du « Standard », le commandant nous attendait. Il nous a montré la salle à manger, les chaises sont tapissées de cuir de Russie bleu, le bois est de citronnier, cela fait un fort joli effet.

Il nous a fait voir aussi les chambres du tzar et de la tzarine et de la grande duchesse Olga. La chambre du tzar et de la tzarine sont pareilles, tendues de soie bleue, les lits sont en fer doré, auprès du lit une jolie petite lampe électrique avec un abat-jour bleu ciel. Des tables de toilette Louis XV, les objets de toilette aux armes de Russie. Les souverains avaient encore chacun un petit appartement près de la chambre.

La petite grande duchesse Olga est toute seule dans sa chambre en soie bleue ciel, son berceau est contre une portière de soie bleue, il est entouré d’un grand filet blanc afin qu’elle ne tombe pas. Sa chambre est à côté de celle d’une dame de compagnie.

Nous sommes ensuite montées dans la salle à manger du commandant où se trouvait réunis plusieurs officiers du bord et des invités. Le commandant m’a montré deux chiens auxquels j’ai donné un morceau de sucre et un jeune officier m’a offert des gâteaux. L’on a apporté le champagne dans une grande coupe d’argent. Un officier Russe nous a joué du piano et un autre a accompagné avec la guitare.

Papa est allé voir si la chaloupe nous attendait et est revenu nous dire qu’elle était parée. Le commandant nous a reconduites et a donné sa carte à maman, je ne me rappelle plus du nom qui du reste était très drôle. La mer n’était pas très forte et nous avons accosté à l’escalier de béton. Nous sommes rentrées directement à la maison.


lundi 12 octobre 1896

Georges et Mathilde sont partis ce matin, les Russes s’en vont aussi, nous allons reprendre nos études sérieusement. »

1896 visite du tsar